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Voici un témoignage anonyme, poignant, recueilli par une élève du lycée pour TAM, le journal lycéen, afin d’aider à comprendre ce que sont les relations toxiques (couple, groupe d’amis) et le harcèlement scolaire. Ce témoignage aborde les violences sexuelles.

C’est l’histoire d’une adolescente de 16 ans qui a connu du harcèlement scolaire depuis le CM2. Les enfants la poussaient dans les escaliers, on la trouvait « trop maigre », « petite », « fragile », « fille déséquilibrée », on disait qu’elle avait « deux jambes gauches ». L’enfant gardait le silence devant les adultes. Elle n’avait pas d’amis. Elle souffrait aussi parce que son père n’était pas présent.
Quand elle est entrée au collège, elle est allée sur les réseaux sociaux comme tout le monde. Mais elle était naïve et elle ne comprenait pas que les garçons l’ajoutaient parce qu’ils étaient intéressés par son corps. Elle avait en amies des filles aussi et elle aimait qu’on s’intéresse enfin à elle.
Mais c’est avec un garçon en particulier avec qui elle s’est liée. Il lui a donné un peu d’attention et un peu d’amour. Il a tout chamboulé et elle lui faisait confiance : elle lui a donné son cœur.

Elle était aussi bousculée dans les couloirs, insultée, on la tapait… Le harcèlement scolaire reprenait donc et empirait : les garçons de son soi-disant groupe d’amis lui touchaient les fesses dans les couloirs, à la cantine…


Il lui a promis milles merveilles mais il disait aussi des choses comme : « Tu sais que je t’aime et que dans un couple, on doit voir le corps de l’autre ».
Il disait aussi : « Allez, ne fais pas ta timide. » Il disait encore : « Je peux venir dans la douche avec toi ? Tu ne m’invites pas ? » Il « faisait des blagues » : « Comme tu vas à la piscine, tu m’enverras ton maillot de bain ? ».
Si elle disait non ou si elle refusait, elle s’entendait dire « OK, vas-y, je retiens », ou « tu sais, je sais où t’habites », « je vais parler de tout ça à ta mère ».
Mais il a aussi, selon l’expression, affiché la fille devant tout le collège : on se moquait d’elle. Les garçons l’ont repérée comme « vulnérable ». Elle était aussi bousculée dans les couloirs, insultée, on la tapait… Le harcèlement scolaire reprenait donc et empirait : les garçons de son soi-disant groupe d’amis lui touchaient les fesses dans les couloirs, à la cantine… Leur relation toxique passait aussi par du chantage dans le groupe. Et elle, elle gardait encore le silence.
Cela a duré des années. Elle vivait avec la pression et la tension autour d’elle. Jusqu’à ce qu’elle soit à nouveau en couple en 4ème.
Au bout de quatre mois, la relation a mal tourné. Le garçon l’a forcée au bout de quatre mois à des actes sexuels, et le groupe d’amis participait aux violences. Elle se sentait tellement mal et elle était tellement isolée, sans pouvoir parler, que sa santé mentale allait mal aussi. Elle était en dépression et a fait des tentatives de suicide. Elle devenait froide avec sa famille et pleurait tous les soirs.
Un jour, après une des agressions sexuelles, elle se confie à une véritable amie. L’amie l’emmène voir un médiateur devant lequel elle fond en larme et raconte tout. Il appelle alors sa mère et ensemble, elles vont porter plainte.

Le dépôt de plainte a duré une après-midi.


La suite judiciaire a été difficile : il fallait des preuves des violences comme ses vêtements (ses joggings et d’autres vêtements banals portés tous les jours), les observations du médecin légiste ou encore les observations du psychologue. Ses lésions, ses bleus, ses fractures, son stress post-traumatique et son anxiété, mais aussi des réflexes qu’elle n’aurait pas dû avoir si elle n’avait pas souffert de violences.
Le dépôt de plainte a duré une après-midi. Puis, la jeune fille a été déscolarisée pendant un mois pour pouvoir aller mieux.
Mais du côté de la justice, ça a été encore plus long. Les affaires judiciaires durent depuis trois ans : le harcèlement d’un côté, et les agressions de l’autre. Elles ont fait des allers et retours au tribunal et le résultat a été décevant par rapport à la souffrance vécue par la jeune fille. Les garçons nient les faits et leurs avocats demandent à réduire les sommes de dommages et intérêts estimées par son avocat à elle. L’affaire judiciaire est toujours en cours.
La jeune fille espère que son histoire aidera d’autres jeunes à repérer les violences et à sortir du silence.

Article paru dans Tous Auffray Mag, numéro 1, janvier 2023


#Plusjamaissansmonaccord

Le Centre Hubertine Auclert parle de ces violences sexistes et sexuelles dans le couple chez les jeunes. Son violentomètre (ci-contre) permet de réfléchir à sa relation : est-elle saine ou toxique ? Enfin, au lycée, si on a besoin de parler, on peut s’adresser aux adultes (infirmière scolaire…).